
J’ai vécu sans le savoir,
Comme l’herbe pousse ...
Le matin, le jour, le soir
Tournaient sur la mousse.
Les ans ont fui sous mes yeux
Comme à tire-d’ailes
D’un bout à l’autre des cieux
Fuient les hirondelles ...
Mais voici que j’ai soudain
Une fleur éclose.
J’ai peur des doigts qui demain
Cueilleront ma rose,
Demain, demain, quand l’Amour
Au brusque visage
S’abattra comme un vautour
Sur mon cœur sauvage.
Dans l’Amour si grand, si grand,
Je me perdrai toute
Comme un agnelet errant
Dans un bois sans route.
Dans l’Amour, comme un cheveu
Dans la flamme active,
Comme une noix dans le feu,
Je brûlerai vive.
Dans l’Amour, courant amer,
Las ! comme une goutte,
Une larme dans la mer,
Je me noierai toute.
Mon cœur libre, ô mon seul bien,
Au fond de ce gouffre,
Que serai-je? Un petit rien
Qui souffre, qui souffre!
Quand deux êtres, mal ou bien,
S’y fondront ensemble,
Que serai-je? Un petit rien
Qui tremble, qui tremble!
J’ai peur de demain, j’ai peur
Du vent qui me ploie,
Mais j’ai plus peur du bonheur,

Le matin, le jour, le soir
Tournaient sur la mousse.
Les ans ont fui sous mes yeux
Comme à tire-d’ailes
D’un bout à l’autre des cieux
Fuient les hirondelles ...
Mais voici que j’ai soudain
Une fleur éclose.
J’ai peur des doigts qui demain
Cueilleront ma rose,

Au brusque visage
S’abattra comme un vautour
Sur mon cœur sauvage.
Dans l’Amour si grand, si grand,
Je me perdrai toute
Comme un agnelet errant
Dans un bois sans route.
Dans l’Amour, comme un cheveu

Comme une noix dans le feu,
Je brûlerai vive.
Dans l’Amour, courant amer,
Las ! comme une goutte,
Une larme dans la mer,
Je me noierai toute.
Mon cœur libre, ô mon seul bien,
Au fond de ce gouffre,
Que serai-je? Un petit rien
Qui souffre, qui souffre!
Quand deux êtres, mal ou bien,
S’y fondront ensemble,
Que serai-je? Un petit rien
Qui tremble, qui tremble!

Du vent qui me ploie,
Mais j’ai plus peur du bonheur,

Qui surprend à pas de loup,
Si douce, si forte,
Qu’à la sentir tout d’un coup
Je tomberai morte.
Demain, demain, quand l’Amour
Au brusque visage
S’abattra comme un vautour
Sur mon cœur sauvage...
" Marie Noël, Attente "

Dans mon âme a fleuri le miracle des roses.
Pour le mettre à l’abri, tenons les portes closes.
![SÉPARATEUR]()
Pour le mettre à l’abri, tenons les portes closes.

Je défends mon bonheur, comme on fait des trésors,
Contre les regards durs et les bruits du dehors.
Les rideaux sont tirés sur l’odorant silence,
Où l’heure au cours égal coule avec nonchalance.
Aucun souffle ne fait trembler le mimosa
Sur lequel, en chantant, un vol d’oiseaux pesa.
![SÉPARATEUR]()
Contre les regards durs et les bruits du dehors.
Les rideaux sont tirés sur l’odorant silence,
Où l’heure au cours égal coule avec nonchalance.
Aucun souffle ne fait trembler le mimosa
Sur lequel, en chantant, un vol d’oiseaux pesa.

Notre chambre paraît un jardin immobile
Où des parfums errants viennent trouver asile.
Mon existence est comme un voyage accompli.
C’est le calme, c’est le refuge, c’est l’oubli.
Pour garder cette paix faite de lueurs roses,
O ma Sérénité! tenons les portes closes.
![SÉPARATEUR]()
Où des parfums errants viennent trouver asile.
Mon existence est comme un voyage accompli.
C’est le calme, c’est le refuge, c’est l’oubli.
Pour garder cette paix faite de lueurs roses,
O ma Sérénité! tenons les portes closes.

La lampe veille sur les livres endormis,
Et le feu danse, et les meubles sont nos amis.
Je ne sais plus l’aspect glacial de la rue
Où chacun passe, avec une hâte recrue.
Je ne sais plus si l’on médit de nous, ni si
L’on parle encor… Les mots ne font plus mal ici.
![SÉPARATEUR]()
Et le feu danse, et les meubles sont nos amis.
Je ne sais plus l’aspect glacial de la rue
Où chacun passe, avec une hâte recrue.
Je ne sais plus si l’on médit de nous, ni si
L’on parle encor… Les mots ne font plus mal ici.

Tes cheveux sont plus beaux qu’une forêt d’automne,
Et ton art soucieux les tresse et les ordonne.
Oui, les chuchotements ont perdu leur venin,
Et la haine d’autrui n’est plus qu’un mal bénin.
Ta robe verte a des frissons d’herbes sauvages,
Mon amie, et tes yeux sont pleins de paysages.
![SÉPARATEUR]()
Et ton art soucieux les tresse et les ordonne.
Oui, les chuchotements ont perdu leur venin,
Et la haine d’autrui n’est plus qu’un mal bénin.
Ta robe verte a des frissons d’herbes sauvages,
Mon amie, et tes yeux sont pleins de paysages.

Qui viendrait nous troubler, nous qui sommes si loin
Des hommes? Deux enfants oubliés dans un coin?
Loin des pavés houleux où se fanent les roses,
Où s’éraillent les chants, tenons les portes closes…
![Sans titre 1]()
Renée Vivien, Intérieur / A l'heure des mains jointes,
Des hommes? Deux enfants oubliés dans un coin?
Loin des pavés houleux où se fanent les roses,
Où s’éraillent les chants, tenons les portes closes…

Renée Vivien, Intérieur / A l'heure des mains jointes,
dans: Poèmes 1901-1910
