La femme !
La douceur de la soie posée sur son épaule
elle arpente la vie, elle joue son plus beau rôle;
forte comme le lin, douce comme le coton
Elle est femme douceur aux multiples couleurs,
carré multicolore de la vie à la mort.
Elle est rouge comme le sang aux douleurs de l'enfant,
Elle est bleu comme les cieux quand l'amour est heureux
et malgré l'air mutin fragile fragile comme le satin.
La caresse de la soie qui glisse de ses doigts
La caresse de qui de ses doigts
comme la sûreté du lin quand elle vous tend la main;
la pureté du coton, les matins de satin:
carré multicolore de la vie à la mort.
" Poème de Talina "
femme noire
Femme nue, femme noire
Femme nue,nue Vétue de ta couleur !
J'ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait
Femme nue, femme nVêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme
qui est beauté !
J’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait
mes yeux.
Et voilà qu’au coeur de l’Eté et de Midi, je te découvre,
Terre promise, du haut d’un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein coeur, comme l’éclair
d’un aigle.
Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir,
bouche qui fais lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses
ferventes du Vent d’Est
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui grondes sous les doigts
du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l’Aimée.
Femme nue, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de
l’athlète, aux flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur
la nuit de ta peau
Délices des jeux de l’esprit, les reflets de l’or rouge sur ta
peau qui se moire
A l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux
soleils prochains de tes yeux.
Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Eternel
Avant que le Destin jaloux ne te réduise en cendres pour
nourrir les racines de la vie
Léopold Sédar SENGHOR, Chants d’ombre (1945)
" A une femme "
Beauté des femmes, leur faiblesse, et ces mains pâles
Qui font souvent le bien et peuvent tout le mal.
Et ces yeux, où plus rien ne reste d'animal
Que juste assez pour dire : " assez " aux fureurs mâles
Et toujours, maternelle endormeuse des râles,
Même quand elle ment, cette voix ! Matinal
Appel, ou chant bien doux à vêpre, ou frais signal,
Ou beau sanglot qui va mourir au pli des châles !...
Hommes durs ! Vie atroce et laide d'ici-bas !
Ah ! que du moins, loin des baisers et des combats
Quelque chose demeure un peu sur la montagne,
Quelque chose du coeur enfantin et subtil,
Bonté, respect ! Car qu'est-ce qui nous accompagne,
Et vraiment, quand la mort viendra, que reste-t-il ?
... Paul Verlaine ...


Le pôème de la femme "Marbre de Paros "
Un jour, au doux rêveur qui l'aime,
En train de montrer ses trésors,
Elle voulut lire un poème,
Le poème de son beau corps.
D'abord, superbe et triomphante
Elle vint en grand apparat,
Traînant avec des airs d'infante
Un flot de velours nacarat :
Telle qu'au rebord de sa loge
Elle brille aux Italiens,
Ecoutant passer son éloge
Dans les chants des musiciens.
Ensuite, en sa verve d'artiste,
Laissant tomber l'épais velours,
Dans un nuage de batiste
Elle ébaucha ses fiers contours.
Glissant de l'épaule à la hanche,
La chemise aux plis nonchalants,
Comme une tourterelle blanche
Vint s'abattre sur ses pieds blancs.
Pour Apelle ou pour Cléoméne,
Elle semblait, marbre de chair,
En Vénus Anadyomène
Poser nue au bord de la mer.
De grosses perles de Venise
Roulaient au lieu de gouttes d'eau,
Grains laiteux qu'un rayon irise,
Sur le frais satin de sa peau.
Oh ! quelles ravissantes choses,
Dans sa divine nudité,
Avec les strophes de ses poses,
Chantait cet hymne de beauté !
Comme les flots baisant le sable
Sous la lune aux tremblants rayons,
Sa grâce était intarissable
En molles ondulations.
Mais bientôt, lasse d'art antique,
De Phidias et de Vénus,
Dans une autre stance plastique
Elle groupe ses charmes nus.
Sur un tapis de Cachemire,
C'est la sultane du sérail,
Riant au miroir qui l'admire
Avec un rire de corail ;
La Géorgienne indolente,
Avec son souple narguilhé,
Etalant sa hanche opulente,
Un pied sous l'autre replié.
Et comme l'odalisque d'Ingres,
De ses reins cambrant les rondeurs,
En dépit des vertus malingres,
En dépit des maigres pudeurs !
Paresseuse odalisque, arrière !
Voici le tableau dans son jour,
Le diamant dans sa lumière ;
Voici la beauté dans l'amour !
Sa tête penche et se renverse ;
Haletante, dressant les seins,
Aux bras du rêve qui la berce,
Elle tombe sur ses coussins.
Ses paupières battent des ailes
Sur leurs globes d'argent bruni,
Et l'on voit monter ses prunelles
Dans la nacre de l'infini.
D'un linceul de point d'Angleterre
Que l'on recouvre sa beauté :
L'extase l'a prise à la terre ;
Elle est morte de volupté !
Que les violettes de Parme,
Au lieu des tristes fleurs des morts
Où chaque perle est une larme,
Pleurent en bouquets sur son corps !
Et que mollement on la pose
Sur son lit, tombeau blanc et doux,
Où le poète, à la nuit close,
Ira prier à deux genoux.
