Les îles
Au large, dans l'attrait d'un fier isolement,
Apparaissent les îles
Où parfois en rêveur, en chasseur, en amant
À la sourdine on file.
N'importe où l'on aborde, avidement on fait
Le tour de son royaume,
Et la tente, sitôt dressée, est un palais
Que l'atmosphère embaume.
On se trouve lié d'instinct aux voyageurs
De tout bateau qui passe.
On a de l'intérêt pour les hérons guetteurs
Grimpés sur leurs échasses.
On muse sur la grève, on fauche pour son lit
Les rouges salicaires
Par quoi l'île transforme en élégants replis
Marais et fondrières.
L'éloignement du monde infuse dans l'air pur
Un subtil aromate.
On écoute en son cœur, près de l'eau, sous l'azur
Chanter une sonate.
On s'en revient les yeux fixés là-bas, et tel
Qu'aux jours de sa bohème ;
Heureux d'avoir été, dans le calme archipel,
Splendidement soi-même.
ALPHONSE BEAUREGARD

Es tu brune ou blonde ?
Es tu brune ou blonde ?
Sont-ils noirs ou bleus ?
Tes Yeux ?
Je n'en sais rien mais j'aime leur clarté profonde
Mais j'adore le désordre de tes cheveux.
Es tu douce ou dure ?
Est-il sensible ou moqueur
Ton coeur ?
Je n'en sais rien mais je rends grâce à la nature
D'avoir fait de ton coeur mon maître et mon vainqueur .
Fidèle, infidèle ?
Quest ce que ça fait,
Au fait
Puisque toujours dispose à couronner mon zèle
Ta beauté sert de gage à mon plus cher souhait.
PAUL VERLAINE
De grands nuages gris estompent l'horizon;
Le soleil jette à peine un égard à la terre;
Les feuilles et les fleurs roulent sur le gazon,
Et le torrent gonflé Comme Un tonnerre gronde.
Adieu Le Soir Serein! Adieu Le Matin clair!
Adieu le frais ombrage! Adieu Les folles courses!
Adieu les voix d'oiseaux Qui se croisent Dans l'air!
Adieu le gazouillis des buissons et des sources!
Plus de Gais Moissonneurs attroupés Dans les blés!
Plus d'amoureux rêveurs assis sous les tonnelles!
Plus de concerts de la nuit sur les flots étoiles!
Dans les prés et les bois plus de parfums, plus d'ailes!
Mais parfois le soleil, déchirant les brouillards,
Verse des lueurs d'ou sur les eaux et les chaumes ...
Et nous croyons Ouïr les babillards Oiseaux,
Nous respirons partout de Sauvages arômes.
L'arbre nu nous Paraît se rhabiller de Vert:
Le vent attiédi joue avec ses rameaux souples;
Et dans Le Creux du Val, recouvert de feuilles,
Il nous Semble encor voir errer de joyeux couples.
Ainsi que la saison des fleurs et des amours,
Se Sont évanouis mes rêves de jeunesse;
Un nuage un passe tout d'un coup sur mes jours,
Dérobant un soleil qui me versait l'ivresse.
CEPENDANT Quelquefois À travers mon ciel noir
Un reflet radieux glisse à mon front morose ...
Alors Dans le passé lumineux je crois voir
De mes bonheurs enfuis Flotter l'image rose.
Et puis devant mes yeux rayonne L'avenir;
L'espérance renaît Dans lun. âme ravie ...
Et le rayon Qui brille un instant sur ma vie,
C'est celui que Le Cœur nommé le souvenir.
William Chapman -- Les Aspirations